mercredi 20 octobre 2010
Humanités pour le post-humain - Yves Michaud - Conférence 92mn - UTLS - 15/10/2008
Humanités pour le post-humain - Yves Michaud - 92mn - Conférence de l’Université de tous les savoirs donnée le 15 octobre 2008 par Yves Michaud : "Humanités pour le post-humain ?"
Je procéderai de la manière suivante Je partirai d'une définition de la culture, puis je définirai à partir de là l'humanisme et les humanités européennes. J'examinerai ensuite ces idées dans le contexte contemporain et notamment par rapport à celle de post-humain. Je m'interrogerai pour finir sur les perspectives de l’humanisme aujourd’hui.
1) Et d'abord qu'est-ce que la culture ? Nous pouvons partir de quelques définitions aisément acceptables. En un sens large, la culture, c'est l'ensemble des caractéristiques d'une forme de vie humaine. Donnons des exemples. Il y a la forme de vie des agriculteurs sédentaires, celle des marins pêcheurs, celle des hommes d'affaire internationaux, celle des groupes d'expatriés ou des immigrants d’une origine donnée dans un pays – les Haïtiens de New York, les Maliens en France. En ce sens large, une culture correspond au mode de vie d'un groupe et elle comporte des éléments variés et différents : des habitudes alimentaires, des modes vestimentaires, des formes de travail, des comportements sexuels, des habitudes horaires, un code de l'honneur, une ou des langues avec des sous-parlers, éventuellement des productions artistiques ou des modes de consommation artistique, etc., etc. La culture au sens large recouvre tous les aspects de la forme de vie, depuis les plus ordinaires jusqu'aux plus élaborés. Les formes de vie humaine sont très nombreuses, pour ne pas dire innombrables parce qu'il y a des groupes humains innombrables et de taille variable. Certaines cultures sont celle de petits groupes d'initiés (les hackers, les gothiques), ou bien de survivants d'une époque en voie de disparition (les bergers de transhumance). D'autres cultures sont nationales et, pourquoi pas aujourd'hui, mondiales, parce qu’elles concernent des groupes beaucoup plus larges. Il y ainsi une culture mondiale des supporters de football (avec des variantes locales) et une culture rock, pop ou techno des jeunes tout aussi mondialisée. Cette définition large de la culture est une définition culturaliste qui ne fait pas au départ de différence entre haute culture et culture populaire. Tout groupe a sa culture. D’autre part, nous avons une autre idée de la culture, celle de la Haute culture, une notion élitiste et « cultivée ». Nous avons ainsi dans la culture européenne des formes d'expression littéraire ou musicale (le roman, le cinéma, l'opéra, etc.), dont on peut expliciter les valeurs qui les gouvernent et qui, lorsqu'elles sont pleinement réalisées, donnent naissance à des chefs d'œuvre. Ma conviction est que la culture en ce sens "élevé" n'est rien d'autre que l'ensemble des valeurs sous-jacentes aux formes de vie du premier sens, mais raffinées et élaborées. Les romans de Joseph Conrad, par exemple Typhon ou Le Nègre du Narcisse, sont des idéalisations de la culture de la marine au long cours et des réalisations supérieures aussi bien du roman d'aventure que du récit de marin. Une "grande cuisine" gastronomique est la réalisation des valeurs supérieures de modes culinaires présents dans la culture au sens large. La haute culture n'est donc pas uniquement la haute culture de l'Europe, des intellectuels ou des classes cultivées ou raffinées. Elle peut naître dans tout groupe comme élaboration et réalisation des valeurs supérieures présentes dans sa culture au sens large. Ici encore prenons des exemples. Il y a, par exemple, aujourd'hui une haute culture du graffiti qui correspond à l'élaboration des valeurs présentes dans la culture populaire des jeunes graffiteurs. Dans une conférence sur l'art contemporain, je me suis retrouvé il y a peu à côté d'un spécialiste du graffiti, qui décrivait en détail les qualités d'un bon graffiti (format, couleurs, geste, absence de valeur commerciale, risque pris pour le faire) et affirmait que cela n'avait vraiment rien à voir avec l'art des gens prétendument cultivés des musées… Pour lui, il y avait à l’évidence une haute culture du graffiti et du tag, mais ce n’était pas notre haute culture. Je ne m'attarderai pas beaucoup sur les fonctions de la culture, car ma position n’a rien d’original et rejoint celle de la plupart des auteurs récents, par exemple celle de Habermas. Une culture est une sorte de milieu second ou intermédiaire grâce auquel le groupe humain s’organise et organise sa relation au milieu tout court, à ce qu'on serait tenté d'appeler la nature ou l'environnement si, en fait, la culture n'intervenait dans la définition même de cette nature et de cet environnement et rendait impossible de parler d'un environnement "nu" ou "brut". Pour continuer avec l'exemple de la culture de la mer, l'ensemble des caractères de la forme de vie du marin unit le groupe et sert d'intermédiaire entre le groupe à bord du navire et l'élément naturel qui s'appelle "la mer". Cette culture lui fait nommer de certains noms très techniques les vents, les courants, les poissons, les dangers. On se trompe si on pense qu'il existe quelque part une mer à l'état brut, un élément véritablement naturel. La culture maritime opère comme un second milieu au sein duquel les hommes entrent en relation, communiquent et affrontent collectivement "la nature marine". Cela veut dire qu'une culture est toujours collective et qu'elle enveloppe beaucoup d'éléments symboliques notamment pour ce qui concerne la transmission. La culture, c'est l'ensemble des conventions symboliques qui règlent et aménagent le rapport du groupe humain à son environnement. Ce point est encore plus net si l'on considère la culture technique ou la culture du corps. Les hommes sont des animaux qui ont inventé des outils et savent se transmettre les techniques de fabrication et d'utilisation. Avec un outil qui s'appelle une herminette un homme peut creuser, seul, un tronc pour faire une pirogue. Encore faut-il que certains dans le groupe sachent faire des herminettes et que les autres aient appris à s’en servir. Même les postures physiques pour utiliser un outil, pour dormir ou pour se reposer sont apprises culturellement. La culture est donc faite de conventions symboliques, ce qui veut dire de définitions et de règles pour mener des activités : on y trouve pêle-mêle des recettes de cuisine, des savoir-faire concernant les gestes physiques à connaître pour utiliser un outil, élever des animaux, collaborer avec d'autres hommes, des règles de courtoisie et des codes d'insulte, etc., des critères artistiques pour définir un récit, une épopée, une peinture religieuse, etc., etc. A partir de là on peut comprendre aussi à quoi servent les valeurs de la haute culture : elles servent de modèles pour transmettre et enseigner les conventions. Elles nous disent comment doivent être les choses, comment il faut les faire, comment elles doivent être quand elles sont bien faites. Ainsi pour une recette de cuisine ou une règle artisanale : elle dit comment préparer un plat ou faire un objet "culturellement correct" et elle sert évidemment à transmettre la règle aux membres du groupe. La culture a donc, dans les deux sens que j'ai distingués, une valeur d'adaptation : elle permet aux nouveaux venus d'apprendre les formes de vie du groupe. Elle permet aussi d'aménager le rapport avec le milieu. Il faut souligner qu'on peut pousser très loin le raffinement et la sophistication des valeurs à la base d'une culture. Jusqu'à l'excès ou à la bizarrerie, comme dans la poésie baroque, la gastronomie maniériste, la politesse snob, etc. Les éléments d’une culture peuvent être autochtones, propres au groupe et endogènes, mais ils peuvent aussi être empruntés, importés, bricolés à partir des rencontres, invasions, explorations et découvertes. Il n’y a pas de pureté de principe d’une culture : c’est plutôt une affaire d’utilité et de convenance. Les hommes font flèche de tout bois pour organiser leurs relations et leur adaptation au milieu. Parfois certains puristes ou certains traditionalistes veulent réduire ou interdire les emprunts, d’autres au contraire élargir et innover. Tous les cas de figure ont existé...
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Source Canal-U - UTLS : Canal-U - Humanités pour le post-humain - Yves Michaud - 2008
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