lundi 6 décembre 2010

La notion d'évolution - Darwin et "L'origine des espèces" - Transformisme et cladistique - Hervé LE GUYADER - Conférence 93mn - UTLS - 2002



429e conférence de l'Université de tous les savoirs - Durée : 93mn - Date : 07/07/2002
Disciplines : Evolution, Sciences du vivant - Sciences de la vie - Biologie

« Rien n'a de sens en biologie si ce n'est à la lumière de l'évolution ». Cet adage célèbre de Th Dobzhansky prend encore plus de valeur quand on se rend compte à quel point la notion d'évolution a été difficile à faire émerger. En effet, au 18ème siècle, de nombreuses idées fausses, comme le créationnisme, l'échelle des êtres, les métamorphoses, la génération spontanée, empêchaient la constitution d'une biologie cohérente. Pas à pas, principalement par la réfutation de ces dernières, un environnement propice à l'apparition du transformisme s'est constitué. Avec Charles Darwin, au milieu du 19ème siècle, un cadre théorique cohérent se met en place à partir des deux concepts-clés que sont la descendance avec modification et la sélection naturelle. Mais il faudra attendre presque un demi-siècle pour que la génétique puisse asseoir une théorie que l'on baptisera du terme de « théorie synthétique » à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale. Ce cadre conceptuel va connaître diverses révolutions qui vont susciter de vastes discussions, parfois houleuses. Avec la cladistique, la classification se trouve bouleversée ; le gradualisme est remis en cause par le concept d'équilibre ponctué et le renouveau du catastrophisme en paléontologie ; l'accès au génome permet de mieux comprendre ce qu'est la nouveauté génétique, en particulier au niveau des gènes de développement ; on se rend compte que la sélection ne joue pas sur tous les caractères. C'est donc une notion de l'évolution, complexe mais cohérente, qui émerge à la fin du 20ème siècle. Les implications philosophiques sont importantes. Mais peut-être que l'une des idées les plus fortes consiste à comprendre que l'originalité géologique de la planète Terre est continuellement sous la dépendance du vivant. Hervé Le Guyader, Professeur à l'Université P. & M. Curie

Minutage et Plan de la conférence "La notion d'évolution" par Hervé Le Guyader :
- 02:10 - Présentation
- 02:20 - Introduction
- 11:02 - Le transformisme
- 14:15 - Les nouveaux concepts du transformisme
- 10:31 - Darwin et "L'origine des espèces"
- 12:49 - La théorie synthétique de l'évolution
- 09:34 - La cladistique
- 05:20 - Conclusion
- 10:36 - Questions, partie 1
- 14:41 - Questions, partie 2

Texte de la 429e conférence de l'Université de tous les savoirs, donnée le 7 juillet 2002 :

Pour présenter la notion d'évolution, j'ai choisi d'adopter une démarche historique, en singularisant différents points autour de périodes clés.
Premièrement, je présenterai quelques éléments importants des XVIIe et XVIIIe siècles qui permettent d'arriver à la conception d'un individu clé, Lamarck, date clé : 1829, publication de sa Philosophie zoologique. Le deuxième individu important est Darwin, date clé : 1859, publication de l' Origine des espèces. La troisième date clé se situe aux alentours de 1940, quand la Théorie synthétique de l'évolution est développée. Enfin, j'exposerai quelques éléments de l'après guerre, qui, à mon sens, montrent comment tout ce qui gravite autour des théories de l'évolution se met en place.

En introduction, j'attire votre attention sur cette citation d'Ernst Mayr qui compare les biologistes et les physiciens : « Au lieu de créer et de donner des lois comme le font les physiciens, les biologistes interprètent leurs données dans un cadre conceptuel »

Ce cadre conceptuel, c'est la notion d'évolution, qui se construit pas à pas, à force de discussions, controverses, voire même d'altercations, de progrès conceptuels ou expérimentaux.

Actuellement, ce cadre conceptuel devient extrêmement compliqué. Néanmoins, il s'en dégage quelques idées directrices.

I. L'apparition du transformisme

Je vous présente tout d'abord comment l'idée, non pas d'évolution, mais de transformisme, est apparue.

En premier lieu, je tiens à insister sur un point. En histoire, on montre souvent l'apparition de concepts « nouveaux » - sous entendu : avant, il n'existait rien. De plus, on attache souvent l'apparition d'un concept à un individu clé, considéré comme un génie. En réalité, ce génie, cet individu clé, ne représente la plupart du temps que le courant de l'époque, et ne fait « que » cristalliser une idée, qui existe néanmoins chez ses contemporains.

Pour que l'idée du transformisme apparaisse, deux mouvements se sont produits en même temps. La première avancée concerne la réfutation d'idées erronées. Ces idées, tant qu'elles n'étaient pas réfutées, empêchaient l'émergence de la notion de transformisme. Concomitamment, de nouveaux concepts apparaissent.

A. Les obstacles au transformisme

1. La métamorphose

Parmi les concepts erronés, celui de métamorphose est l'un des plus importants. Une planche extraite d'un livre d'Ulisse Aldrovandi (1522 - 1605) (fig.1), édité en 1606, illustre cette idée. Elle représente des crustacés, qui appartiennent à la classe des cirripèdes : des anatifes, crustacés fixés par un pédoncule, et dont le corps est contenu dans une sorte de coquille formée de plaques calcaires.

Cette planche montre comment on concevait le devenir de ces coquillages : selon Aldrovandi, les anatifes peuvent se transformer en canards ! Les cirres devenaient les plumes, le pédoncule, le cou, et la tête du canard correspond à l'endroit de fixation. J'aurais pu vous citer bien d'autres exemples de la sorte... D'ailleurs, ceux qui ont fait du latin reconnaîtront peut-être dans le terme actuel pour désigner une de ces espèces, Lepas anatifera, le terme anatifera qui signifie « qui porte des canards ».

Ainsi, dans les esprits d'alors, les animaux pouvaient se transformer les uns en les autres, un crustacé en canard, parmi une foultitude d'exemples. On concevait également des passages du monde végétal au monde animal... Tout était imaginable !

Dans ces conditions, il était impossible que l'idée d'un processus historique puisse apparaître. Ces exemples de métamorphose sont rencontrés jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Puis chacun des exemples de métamorphose est tour à tour réfuté. La notion-même devient progressivement la notion biologique actuelle - la métamorphose par mues des insectes et le passage têtard-adulte des batraciens.

2. La génération spontanée

La deuxième idée, la notion de génération spontanée, n'est pas caractéristique des XVIIe et XVIIIe siècles. Il faudra attendre Louis Pasteur (1822 - 1895) pour qu'elle soit complètement anéantie. En termes actuels, la notion de génération spontanée consiste en ce que de la « matière inanimée » puisse s'animer et produire des êtres vivants. L'abbé Lazzaro Spallanzani (1729-1799) est un homme clé parmi ceux qui ont démontré que la génération spontanée n'existe pas, du moins au niveau des organismes de grandes tailles : souris, insectes... etc. Cependant, il faudra attendre la controverse de 1862 entre Pasteur et Pouchet pour que cette notion disparaisse également au niveau des microorganismes. Retenons qu'au XVIIIe siècle cette notion ne persistera qu'à l'égard des « animalcules », les petits organismes.

3. L'Echelle des Êtres

La notion d'Echelle des Êtres existe déjà chez Aristote. Cette notion traverse tout le Moyen- Age, puis est remise en valeur par Gottfried Leibniz (1646-1716) et reprise par le biologiste Charles Bonnet (1720-1793).

La planche (fig 2) figure cette conception du monde : au bas de l'échelle, se situent les quatre éléments : feu, air, terre, eau. Des terres, on monte vers les cristaux et les métaux. Ensuite, on progresse vers le corail, les polypes, les champignons, jusqu'aux végétaux, insectes et coquillages. Certaines hiérarchies peuvent paraître étranges : les serpents d'abord, les poissons ensuite. Plus haut encore, les poissons, dominés par les poissons volants, qui conduisent aux oiseaux (!) ; puis des oiseaux, on parvient aux quadrupèdes et, qui se situe au sommet de l'échelle ? Bien naturellement : l'homme.

Texte de la conférence : La notion d'évolution - Hervé LE GUYADER - Document format pdf

Intervenant : LE GUYADER Hervé
Statut : Doctorat d'État - Professeur à l'Université Pierre et Marie Curie, Paris-6

Parcours :
1982 - 1986 - Chercheur au Centre d'Etudes Nucléaires de Saclay
1986 - 1991 - Chargé de Recherche au CNRS.
1991 - 2000 - Professeur à l'Université Paris 11
1993 - 1994 - Président du de Biologie et Physiologie animales de l'Université Paris 11
1995 - Responsable du DEA Biodiversité : Génétique, Histoire, Mécanismes de l'Évolution
1995 - 1996 Président de la Commission Scientifique et Technique (CST) de l'Action Concertée Coordonnée Sciences de la Vie n°7 (ACC-SV7) "Systématique et Biodiversité"
1995 - 1996 - Membre du Conseil Scientifique du Réseau National de Systématique (1995 - 1996)
2000 - Professeur à l'Université Paris 6.
2000 - Membre du Comité d'Ethique et de Précaution (COMEPRA) de l'INRA

Particularités :
Membre fondateur de la Société Française de Systématique et de la Société d'Histoire et d'Epistémologie des Sciences de la Vie
Hervé Le Guyader a participé à la rénovation de La Galerie de zoologie du Muséum National d'Histoire Naturelle, réouverte sous le nom de Grande Galerie de l'Évolution.
Hervé Le Guyader a publié de nombreux articles dans des revues spécialisées nationales et internationales. Il publie également régulièrement des articles dans des mensuels comme Pour La Science.
Il est l'auteur de plusieurs livres...

Source Video, Biographie, Présentation - Canal-U - 2002 : Conférence "La notion d'évolution" par Hervé Le Guyader

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