jeudi 28 octobre 2010

Propriété intellectuelle et nouvelles technologies - A la recherche d’un nouveau paradigme - Michel VIVANT - 84mn - UTLS - 16/09/2000



"Propriété intellectuelle et nouvelles technologies - À la recherche d’un nouveau paradigme" par Michel Vivant - 84mn - 16/09/2000
Producteur : Mission 2000 en France - Université de Tous Les Savoirs - Canal-U TV (Canal-U - UTLS)

Michel VIVANT : Professeur à l'Université de Montpellier I. - Responsable de l'ERCIM (Équipe de Recherche Créations Immatérielles et Droit), aujourd'hui composante de l'UMR 815. Membre des commissions et groupes d'experts cités plus haut. Doctorat en droit, Agrégation de droit, Doctorat Honoris Causa de l'Université de Heidelberg.

Avec les " nouvelles technologies " qui sont les technologies de l'information et de la communication, de l'informatique et de l'Internet, le droit de la propriété intellectuelle se voit confronté à un objet nouveau pour lui : l'information, ou, à tout le moins, pour lequel il est mal préparé, quand l'information surgit, brute, comme valeur à appréhender. Cela touche bien des branches de la discipline. Qu'on songe à la question de la brevetabilité des séquences génétiques (qui sont une forme d'information codée). Mais c'est le droit d'auteur et les droits apparentés qui sont les premiers concernés. Avec le surgissement de " biens informationnels ", c'est une autre conception de ces droits qui pointe. Les logiciels, les bases de données ou les liens hypertextes ont peu à voir avec les oeuvres traditionnelles et ont nécessairement un fort effet déstabilisateur à l'égard d'un droit qui n'a pas été conçu pour eux. Le triomphe de la logique marchande est patent et va de pair, via notamment l'Internet, avec le spectre de la mondialisation. On ne saurait donc s'étonner que toutes sortes d'antagonismes s'exacerbent et qu'on assiste dans le même temps à une montée en force de la propriété intellectuelle et d'une contestation de celle-ci. Au final, il paraît bien difficile de faire l'économie d'une interrogation sur le nouveau paradigme qu'il faudrait élaborer pour un droit nouveau adapté à des réalités nouvelles.

Minutage et Plan de la conférence "Propriété intellectuelle et nouvelle technologie" :
- 02:10 - Présentation
- 12:07 - Introduction
- 05:37 - Les biens informationnels (dans le droit)
- 07:40 - Le triomphe de la logique marchande
- 06:48 - Le spectre de la mondialisation
- 11:54 - L'apparition des antagonismes forts
- 04:14 - Se tourner vers d'autres paradigmes
- 02:03 - Conclusion
- 31:32 - Questions

Texte de la 260e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 16 septembre 2000

Propriété intellectuelle et nouvelles technologies - À la recherche d’un nouveau paradigme par Michel Vivant

Propriété intellectuelle et nouvelles technologies : voilà ce qu’à la manière du Canard Enchaîné on pourrait appeler un « apparentement terrible ». C’est que ces « nouvelles technologies » (bel anglicisme et figure de style convenue, soit dit en passant) sont les technologies de l’information et de la communication, technologies de l’informatique et de l’Internet, deux univers qui, en quelques décennies, ont bousculé notre appréhension du monde, au point qu’il est usuel de parler de société postindustrielle ou de société de l’information sans d’ailleurs toujours l’esprit critique souhaitable.

Cette information qui en est le soubassement, est, cependant, présente ailleurs et là encore déstabilisante pour les propriétés intellectuelles : qu’on songe à l’épineuse question de la brevetabilité des séquences génétiques qui sont aussi, codée en une certaine forme, de l’information.

À toutefois en rester aux seules technologies de l’information et de la communication, qu’en est-il donc de leur confrontation à la propriété intellectuelle, aux propriétés intellectuelles plus exactement puisque celles-ci sont multiples, des brevets aux droits des artistes-interprètes en passant par les droits sur les obtentions végétales ? Elle se présente de manières très diverses. Je ne me hasarderai pas à un tableau exhaustif, mais j’évoquerai la marque, le brevet, le droit d’auteur et les droits apparentés qui sont au cœur de notre réflexion.

Les marques ont beaucoup fait parler d’elles dans leur confrontation avec les noms de domaine qui sont un élément clef de la navigation sur Internet. Il faut assigner à l’une, la marque, comme à l’autre, le nom de domaine, la place qui lui revient. Ce nom est-il plus qu’une adresse, doit-il être tenu pour un nouvel identifiant (comme existent, outre la marque, l’enseigne ou le nom commercial, par exemple), quel statut lui réserver ? Nous en sommes aux premières interrogations. Tout au plus peut-on noter qu’avec le nom de domaine, la règle ne se borne pas à gérer la rareté comme il en va souvent... mais peut-être l’organise.

Avec le brevet, c’est une question d’adaptation d’un droit, qui fut pensé au XVIIIe pour la mécanique, qui se pose. Le modèle était alors la machine animée de rouages telle l’horloge servant à Voltaire à fonder son Grand Horloger et voici que l’information, avec le logiciel, devient l’âme de la technique, lors même que, pour le sens commun, information et technique appartiennent à deux ordres différents. L’Office européen des Brevets de Munich n’échappe pas, d’ailleurs, à ces ravages du sens commun. Le nominalisme y triomphe. L’essentiel est d’éviter les mots interdits. Et pourtant il y a peu de mots plus polysémiques que celui d’information ; ceux qui font valoir que la machine de ce temps est une « machine virtuelle » et qu’on peut par le détour des bits obtenir ce qui passait naguère par roulements à billes et roues dentées sont dans le vrai.

Si la Convention dite sur le Brevet européen de Munich de 1973 interdit la prise de brevets sur des programmes d’ordinateur, cela n’empêche pas l’Office — qui vit des brevets — de délivrer de tels titres, dans un grand bricolage que la doctrine viendra, plus ou moins, doter de rationalité. Sous forte pression américaine, la question n’est peut-être déjà plus de savoir si un logiciel, voire un moteur de recherche, est brevetable. Car, sous cette pression, le brevet tend à changer de visage et à quitter le monde de l’industriel ou du technique pour investir tout le champ de l’« utile » avec le vague extrême que comporte ce mot.

Impérialisme pour impérialisme, c’est vers le droit d’auteur et ce que j’ai appelé les « droits apparentés », droits dits voisins mais aussi autres droits dans la mouvance du droit d’auteur, qu’il faut se tourner. C’est dans la perspective qui est ici la nôtre que la confrontation conduit aux remises en cause les plus radicales.

Car le droit d’auteur de cette charnière entre deux millénaires est bien éloigné de celui dont Beaumarchais puis Hugo s’étaient faits les promoteurs. Qu’il s’agisse du droit d’auteur proprement dit que connaissent l’Europe continentale, l’Amérique latine, bien des pays arabes, les pays de l’Afrique noire francophone, ou du copyright anglo-saxon (qui n’est ni tout à fait semblable, ni tout à fait un autre), la brèche est apparue avec l’idée que droit d’auteur ou copyright appréhendaient des formes, comme telles, littéraires, musicales, plastiques... mais des formes. Or tout est forme. Il n’y a pas de produit de l’esprit humain qui soit in-forme. Mais, à ce compte là, le droit d’auteur est partout, s’il est vrai, selon un mot que j’affectionne, que l’immatériel, produit de l’esprit, est partout.

Un mélange détonant

Technologies de l’information et de la communication, immatériel, information, droit d’auteur : voilà qui va se conjuguer en un mélange étonnant et détonant et obliger à de sévères révisions. Ce sont des créations nouvelles qui surgissent : logiciel, base de données, multimédia... De vieilles créations sont « revisitées » : musiques ou images numérisées par exemple. De nouveaux instruments sont disponibles : synthétiseur ou logiciel de création assistée. De nouveaux modes de création se font jour : sampling ou animation 3D pour ne citer que ceux-là.

Le vieux droit est-il caduc ? Certains l’affirment, comme John P. Barlow, fondateur de l’ Electronic Frontier Foundation, qui a déclaré péremptoirement : « Everything you always knew about intellectual property is wrong ». Mais il y a aussi les tenants d’un droit marmoréen pour qui les « nouvelles technologies » ne sont que péripéties et qui reste et doit rester (à moins que cela ne soit l’inverse) intact, à travers vents et marées, coups de boutoirs logiciels et bourrasques des réseaux.

Comme souvent la vérité se trouve entre les deux extrêmes. Avec le surgissement des « biens informationnels » dans le champ du droit, une autre perception du droit d’auteur et des droits apparentés pointe. Le triomphe de la logique marchande va de pair avec le spectre de la mondialisation. On ne s’étonnera donc pas que toutes sortes d’antagonismes s’exacerbent. D’où il paraît nécessaire, au-delà des interrogations « de cuisine » (juridique s’entend), de se demander vers quel nouveau paradigme il faudrait se tourner... La suite du texte de la conférence : Propriété intellectuelle et nouvelles technologies par Michel Vivant

Source Canal-U TV : Propriété intellectuelle et nouvelles technologies - Michel Vivant - 2000

OnlyZenTV : Humanitarian News, Ecology, Solidarity, and Personal Development ...
Together We Can Change The World - Youtube OnlyZenTV - Twitter OnlyZenTV - Blogspot OnlyZenTV
L'Actualité de l'Engagement Humanitaire, de l'Ecologie, de la Solidarité et du Développement Personnel ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire